Ce mardi 18 août a sonné la fin de trois mois de tractations et de bras de fer entre l’opposition malienne et le pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keita, au pouvoir depuis 2013. La lutte enclenchée par le Mouvement du 5 juin et le Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et l’imam Mahmoud Dicko, en demandant la démission du gouvernement IBK a trouvé son parachèvement ce mardi 18 août 2020 avec une intervention militaire. La médiation de la CEDEAO n’a pas pu permettre d’éviter le renversement du régime en place, longtemps décrié par la population comme incompétent.
Retour chronologique sur cette journée du 18 août 2020,
Tôt dans la matinée de ce mardi (entre 7h30 et 8h), des coups de feu se font entendre dans le camp militaire Soudjata de Kati (environ 15 km de la capitale, Bamako). Le ton venait d’être donné et plusieurs banques et institutions sont fermées. Peu de temps après, des hauts cadres, notamment des ministres et généraux dont le nouveau président de l’Assemblée nationale, Moussa Timbiné et le ministre malien de l’Économie et des Finances, Abdoulaye Daffé sont arrêtés
Vers 10 heures, L’état-major des armées sous le contrôle des militaires de la garde nationale conduits par le colonel Sadio Camara, l’ancien directeur du Prytanée, l’école militaire de Kati. Puis, des véhicules militaires convergent devant le département de La Défense. L’ORTM (Télévision nationale) a été évacué, mais son signal est resté actif. Les fonctionnaires ont été conviés à rentrer chez eux.
À la mi-journée, on apprend que le chef d’État, Ibrahima Boubacar Keita, se serait réfugié dans le camp des forces des Nations unies au Mali (MINUSMA), mais l’information est rapidement démentie par une source sécuritaire proche du palais présidentiel.
Dans l’après-midi, début des vagues de condamnation du coup de force par les partenaires bilatéraux et multilatéraux du pays. L’Envoyé Spécial des États Unis pour le Sahel, Peter Pham, réitère l’opposition de son pays à toute prise de pouvoir par la force.
Vers 14h30, la CEDEAO dans un communiqué, fait part de sa préoccupation sur la situation du Mali, invite les parties prenantes au dialogue et l’armée à retourner dans les casernes.
Un peu plus tard, dans une déclaration, le ministre français de l’Europe et des Affaires Étrangères, Jean-Yves le Drian, fait part de la position de la France en condamnant la mutinerie et en partageant la position de la CEDEAO.
On en sait un peu plus sur les cerveaux de la mutinerie. Il s’agit de trois officiers supérieurs de l’armée malienne : Le général Cheick Fantamady Dembélé, les colonels Diaw et Mama Sekou Lelanta. Mais pendant ce temps, une autre partie de l’armée est «restée loyale au président IBK ».
Vers 16 heures, Le premier ministre malien Boubou Cissé, dans un communiqué « (…) appelle a l’apaisement et se rend disponible des l’instant de ce communiqué pour engager un dialogue fraternel afin de lever tous les malentendus.»
En début de soirée, le président malien Ibrahim Boubackar Keïta, son fils Karim Keita et le premier ministre Boubou Cissé sont arrêtés par les militaires de Kati. Selon RFI, les mutins se sont rendus au domicile privé du Président. Il s’y trouvait avec le Premier ministre, Boubou Cissé. «Les mutins ont demandé à ce qu’il les suivent. Ni résistance, ni acte de violence n’ont été à signaler. IBK et Boubou Cissé sont monté dans des véhicules et le convoi dans lequel se trouvaient des véhicules avec beaucoup d’hommes armés a pris la direction de Kati.», relate le média sur son site web.
Dans une déclaration plus tard sur les ondes de RFI, nous apprenons que les militaires « ravisseurs » informent que le Président et son Premier ministre sont indemnes et bien portants. « On n‘a pas touché à un seul de leurs cheveux », a déclaré l’un des militaires contacté par un correspondant de RFI.
Dans la soirée, la CEDEAO à travers un second communiqué, condamne l’arrestation du président IBK. L’Union Africaine, l’Union Européenne et l’ONU condamnent à leur tour. L’Union Africaine via Twitter, affirme « Le Président de la Commission de @_AfricanUnion, S.E.M @AUC_Moussafaki condamne énergiquement l’arrestation du Président Ibrahim Boubacar Keita, du Premier Ministre et autres membres du Gouvernement maliens (…)».
Dans la nuit de mardi au mercredi 19 août 2020 (vers minuit), le président Ibrahim Boubacar Keita démissionne. Dans une déclaration diffusée sur ORTM1, il affirme « (…) C’est pourquoi je voudrais en ce moment précis tout en remerciant le peuple Malien pour son accompagnement le long de ces longues années, la chaleur de son affection, vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions à partir de ce moment, et avec toutes les conséquences de droit, la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement.»
Cette déclaration marque ainsi la fin du régime du président Ibrahim Boubacar Keita. Il faut noter qu’il est le 4e président malien à avoir été dégagé lors d’un coup d’État après Modibo Keita, Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré.
Le groupe militaire commanditaire du coup, intervenant à son tour, déclare « Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l’Histoire », appelant à une transition politique civile conduisant à des élections.