Interview de AGBOMADJI Kokouvi Selom, Directeur exécutif de l’association Le club des 7 Jours « On ne peut pas gagner la lutte contre le VIH/SIDA sans garantir un environnement favorable pour l’offre efficace de services aux populations clés »

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Parlez-nous un peu de votre association Le club des 7 jours ?

Le club des 7 jours est une association de jeunes créée en 2006 et œuvrant dans la lutte contre le VIH auprès des groupes vulnérables. Dans le contexte de la lutte contre le Vih, nous travaillons prioritairement avec les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), les professionnelles du sexe et leurs clients, les usagers de drogues, les personnes transgenres, de même que les jeunes qui sont en contacts avec les points chauds. Nous travaillons à la sensibilisation sur le VIH et les IST à travers les pairs éducateurs formés et qui font des causeries éducatives sur le terrain. Nos activités portent aussi sur la documentation des cas de violences basées sur le genre (VBG). Nous assurons le référencement de nos pairs vers les structures de prise en charge notamment pour la confirmation des cas du Vih positifs en communauté ou bien pour le traitement des IST. Nous travaillons aussi au renforcement de capacités et formations de certains acteurs clés notamment des médias, des agents de police ou encore des prestataires de soins dans le sens de la création d’un l’environnement favorable afin de garantir une offre de services adéquate aux populations clés. Nous œuvrons également dans l’empowerment pour le renforcement de l’estime de soi de nos pairs. Il nous arrive aussi d’octroyer des micro-crédits à certains de nos pairs, contribuant ainsi à leur autonomisation financière.

A quels objectifs répond le projet «The scale initiative » que votre association met en œuvre

«The scale initiative » est un projet financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui a pour objectif principal la création d’un environnement favorable et plus inclusif pour les populations clés au Togo. L’idée est de sensibiliser à la diversité, de fournir un soutien psychosocial et de plaider pour le droit des populations clés en matière de lutte contre le Vih et le Sida. Le projet travaille au renforcement des capacités des acteurs et responsables des associations identitaires sur les voies et recours en matière de violation des droits de l’homme et sensibiliser les populations clés elles-mêmes sur le contexte légal togolais. A travers ce projet, nous renforçons également le réseau des alliés et personnes friendly à la création d’un environnement favorable dans l’offre de services en droits et santé aux populations clé en matière de lutte contre le Vih afin que le Togo puisse atteindre l’objectif des 3×95 de l’ONUSIDA à l’horizon 2030.

Quelle est de nos jours la situation de la lutte contre le Vih au sein des populations clés notamment des Hommes ayant des rapport Sexuel avec d’autres Hommes (HSH) ?

Le Togo a fait de très grands progrès en matière de lutte contre le Vih notamment auprès des populations clés. On a connu une baisse de la prévalence du Vih qui est passée de 22, 98 % en 2017 à 7,8 % en 2022 selon des données. La lutte est de plus en plus orientée vers les communautés avec une très grande implication des populations clé, ce qui fait que les messages et actions sont ciblés vers les réels besoins de la communauté. De nos jours on ne peut pas parler de la lutte contre le Vih sans les populations clés. C’est la conjugaison de l’ensemble de ces efforts qui a permis d’avoir ce résultat. Les actions gouvernementales et au niveau de la société civile sont donc à saluer. Cependant, à ce taux, il faut dire que la prévalence est encore élevée par rapport à la population générale qui est de à 1,7 % « selon l’estimation EPP/Spectrum de 2022). Ceci suppose qu’il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour venir à bout de l’épidémie du Vih.

Parlant des droits humains, pensez-vous que les droits des minorités sexuelles à la santé en matière du Vih sont suffisamment respectés au Togo ?

Je dirai qu’il y a du positif mais il y a toujours des progrès à faire. Car le rapport de l’enquête « index stigmat 2.0 », montre qu’il y a toujours des cas de stigmatisation et de discrimination dans l’offre des services de soins aux populations clés, notamment aux HSH surtout pour ce qui concerne les pathologies spécifiques à la cible. Les besoins en termes de soins et de traitements sont toujours problématiques à satisfaire, surtout au niveau de l’intérieur du pays. Les personnes efféminées par exemple sont très souvent stigmatisées même en milieu de soins.

Les populations clés, notamment les HSH, sont-elles sujets à des violences basées sur le genre (VBG) ?

Oui, il y a des cas documentés de par le passé et même aujourd’hui. Par exemple, il ressort de nos données documentées dans le cadre du projet que nous mettons actuellement en œuvre, que de février 2024 à avril 2024, (en l’espace de 3 mois), il y a eu 17 cas de VBG et de l’expression de l’identité de genre : les cas vont des agressions verbales aux agressions physique avec malheureusement deux (2) cas de viols. C’est pourquoi, en ce qui nous concerne, nous faisons notre part en sensibilisant nos pairs sur le contexte sociologique et juridique du pays afin d’éviter que certains comportements ne heurtent la sensibilité des gens, et ainsi nous contribuons à prévenir les violences.Quels sont les principaux arguments pour des plaidoyers éventuels des populations clés auprès des décideurs au Togo ? Notre argument phare est la lutte contre le VIH qui demeure un réel problème de santé publique. C’est pourquoi nous travaillons et nous appelons la population à éviter la discrimination et la stigmatisation afin que les populations clés notamment les HSH puissent avoir le courage de se faire dépister et s’offrir les services mis à leur disposition afin de réduire la prévalence du VIH en leur sein. Violenter les HSH ne doit pas être légitimé, juste parce qu’il y a une loi qui condamne l’homosexualité au Togo. C’est pourquoi nous encourageons à l’acceptation de la différence. Dans une société, tout le monde ne peut pas vivre pareil.

Quel est le regard que vous portez sur l’attitude d’exhibition de leur identité sur les réseaux sociaux de la part de certaines personnes de minorités sexuelles ?

Il faut dire que c’est une question un peu compliquée. Peut-être pour ceux-là, c’est de l’activisme car il y a plusieurs manières de faire l’activisme. Mais nous, nous ne sommes pas dans « le faire voir ». Nous faisons de l’activisme passif. Il faut reconnaitre qu’il y a certains agissements de certains de nos pairs de la communauté LGBTQ qui laissent à désirer sur les réseaux sociaux. Ce sont des attitudes que nous-mêmes nous n’apprécions pas. Et souvent, nous rentrons en contact avec certains pour essayer de les canaliser et leur rappeler un certain nombre de réalités du contexte togolais sur la pratique. Car nous constatons que beaucoup ignorent ces réalités notamment sur l’aspect légal. Certains ne savent pas qu’ils peuvent tomber sous le coup de la loi à partir de tel ou tel agissement. Tout ce qui entoure les articles 392 et 393 du code pénal togolais et la question d’entrave aux bonnes mœurs ne sont pas suffisamment maitrisés par tous. De plus, il y a une loi qui porte un regard sur tout ce qui est publié sur les réseaux sociaux. Souvent les attitudes condamnables ne sont pas directement en lien avec l’orientation sexuelle mais plutôt sur l’usage des réseaux sociaux. C’est des situations sur lesquelles nous travaillons pour que cela soit évité autant que faire se peut.

Selon les données à votre disposition, à combien peut-on estimer aujourd’hui les HSH au Togo ?

Selon les données de l’enquête de Surveillance de Seconde Génération (SSG) du VIH couplée de la cartographie programmatique chez les populations clés, réalisé en 2022 par le programme national de lutte contre le Vih Sida (PNLS), l’effectif des HSH au Togo est de 14 012 en moyenne.

Quel est à ce jour l’impact de vos actions sur le changement de comportements surtout en matière de respect des droits et de la dignité des minorités sexuelles ?

D’abord il faut préciser que nous ne travaillons pas seuls et surtout rappeler que les résultats relèvent d’un engagement collégial de toute la communauté, de la partie nationale et des organisations de la société civile. On peut dire clairement qu’aujourd’hui, la majorité de HSH ont accès aux offres de services de prévention des IST et du VIH. De nos actions de sensibilisation, il ressort que les violences, même si elles existent, il y a une amélioration. Avec l’aide de nos partenaires, nous avons des services adaptés sur toute l’étendue du territoire. Nous travaillons avec les structures étatiques comme la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), et des acteurs de défense des droits humains, avec les journalistes et avec les prestataires de soins pour ce qui relève de l’information et de l’éducation de la population et de la création d’un environnement favorable. Globalement, il y a des avancées, mais il faut que le cap soit maintenu. Votre message de fin.Nous saisissons cette opportunité pour témoigner notre gratitude aux structures de l’Etat notamment le Secrétariat Permanent du CNLS-IST et le PNLS-HV-IST, de même que les organisations de la société civile et aux structures de prise en charge. Nos remerciements vont également au PNUD, partenaire du projet « The Scale inititive », et à l’ONUSIDA, partenaire clé de lutte contre le VIH au Togo. Mon message à l’endroit de la population est celui-ci : On ne peut pas gagner la lutte contre le Vih SIDA sans garantir un environnement favorable pour l’offre de services efficace aux populations clés.

La stigmatisation et la discrimination des populations clé notamment des HSH doivent absolument être évitées si nous voulons atteindre l’objectif des 3×95 de l’ONUSIDA à l’horizon 2030.

Biscone ADZOYI
Biscone ADZOYIhttp://elitedafrique.com
Biscone Adzoyi est journaliste rédacteur à Elite d'Afrique depuis 2017. Il s’intéresse particulièrement aux questions environnementales et de développement durable
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