Dans une lettre adressée au président de la Commission de réflexion sur les réformes(CRR) en réponse à une autre qui lui aurait été envoyée par ce dernier, Jean Pierre Fabre, égal à lui-même, remet en cause la légitimité de la CRR parce que mise en place contrairement aux recommandations de l’Accord politique globale (APG). Qu’en est-il réellement ?
En 2005, alors que le pays venait de perdre son président, Gnassingbé Eyadéma, le Togo fut plongé dans une crise politique sans précédent. Les élections présidentielles qui ont suivi, le 24 avril 2005, ne vinrent qu’envenimer une situation déjà insupportable pour les hommes politiques et la population. Si le bilan des violences post-électorales de 2005 divergent qu’on soit d’un bord ou de l’autre, celui qui revient dans nombre d’écrits fait état de 500 morts au moins. C’est pour éviter que le tissu social ne parte en lambeau que furent initiées les discussions qui ont abouti en août 2006 à l’APG.
L’APG est un accord qui a semblé indiquer aux Togolais le bout d’un tunnel politique sombre et étroit. La grandiose cérémonie de sa signature à laquelle ont pris part l’ex-président du Burkina Faso (Blaise Compaoré), le président togolais Faure Gnassingbé, les responsables politiques, les chefs religieux et traditionnels et les représentants d’organisations internationales, en dit long sur l’espoir qu’il a suscité. Mais que dit-il sur la suite ?
Le mot CONSENSUS est utilisé dans l’APG à deux reprises. Une fois à l’article 1.2., où il est question des institutions et des conditions devant conduire à l’élection des membres d’une nouvelle assemblée nationale. La seconde fois, c’est à l’article 3.1., où il est question des « institutions issues du Dialogue » qui doivent œuvrer « à la consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance », que CONSENSUS est utilisé. Le verbe « conviennent » (Les parties prenantes conviennent), repris à plusieurs reprises, n’a indiqué que les résultats auxquels sont parvenus les signataires. Même si l’article 3.1. semble indiquer le contraire, il n’a jamais été question dans l’APG de former de manière consensuelle les institutions devant œuvrer aux réformes constitutionnelles et institutionnelles. Il est dit clairement que ces institutions devront travailler de manière consensuelle. L’APG est resté muet sur le processus de leur constitution. Pour le pouvoir en place, c’est de bonne guerre que les membres de la CRR ont été nommés par décret présidentiel sans concertation aucune des parties signataires. Que conclure ?
Au-delà de toute analyse partisane, il est clair que l’APG est restée muet sur un certain nombre de détails vitaux qui créent aujourd’hui un clivage entre le pouvoir en place et l’opposition. Loin de chercher des boucs émissaires à cette situation, il est également évident que l’opposition en place à l’époque a certes fait des efforts, vu le contexte d’alors, mais n’a pas été vigilante sur les détails de désignation des membres des institutions en question. Cela ne peut faire que l’affaire du pouvoir en place, si on sait que le pouvoir s’acquiert et s’exerce pour le garder et non pour le perdre.