Samia Nkrumah , celle qui rêve comme son père

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« Tel père, telle fille », pourrait-on dire de Samia Nkrumah. Fondatrice et présidente du Centre panafricain Kwame-Nkrumah, celle qui est rentrée au Ghana il y a dix ans après un long séjour en Égypte et en Grande-Bretagne est bien sur les traces de son père. « Africa must unite », disait le grand leader des Indépendances qui a milité jusqu’à son dernier souffle pour que l’Afrique ne se disperse pas. C’est dans cette veine que s’inscrit sa fille, aujourd’hui présidente du Convention People Party, celui-là même qu’a crée Kwame Nkrumah pour lutter contre le colonisateur et briguer le suffrage des électeurs ghanéens. Aux yeux de Samia Nkrumah, l’unité politique est un préalable qui va faciliter l’intégration économique. C’est dire qu’en ces temps de consolidation de la zone de libre-échange continental (ZLEC), son approche détonne.

Quelle est la vocation du centre Kwame-Nkrumah ?

Samia Kwame Nkrumah : J’ai mis en place le Centre panafricain Kwame-Nkrumah pour faire la promotion des travaux, les écrits et les pensées de Kwame Nkrumah parce que j’ai réalisé que beaucoup de personnes, spécialement les jeunes, ne sont pas familières à ces théories qui ont porté les indépendances africaines. Or je crois que ce qu’il, Kwame Nkrumah, nous a laissé est très important pour les circonstances actuelles, en l’occurrence son appel à l’unité de l’Afrique sur le plan politique et économique.

S’agit-il de créer un nouveau panafricanisme ou de revenir à celui des pères fondateurs ?

Il n’y a pas de nouveau panafricanisme. Il faut revenir aux écrits des pionniers du panafricanisme. Kwame Nkruma définit le panafricanisme comme un objectif que nous devons atteindre, c’est-à-dire la libération totale de l’Afrique. Nous avions commencé avec les indépendances, mais nous n’avons pas encore atteint l’unité. Nous devons reprendre et revisiter l’héritage de ces pionniers. Imaginez, pour faire une course, avant de la commencer, avant de courir vite, vous devez vous retourner et prendre le témoin. Si vous commencez à courir sans prendre le témoin, où comptez-vous arriver ? Nulle part. C’est ce que nous disons, ces pionniers doivent être revisités parce que jusqu’à présent je n’ai rien vu de concret. Nous n’avons pas atteint notre principal objectif, celui de l’unité africaine.

Un pas a été franchi en direction de l’unité économique, avec la création de la zone de libre-échange. Une étape vers l’unité africaine ?

Si nous regardons en détail, cette zone de libre-échange, la banque centrale, la zone monétaire… Nous avons les institutions, mais le fond n’y est pas. Ceci a été écrit et proposé dès 1963. Pourquoi est-ce que nous ne commençons pas ce processus de définition d’une stratégie commune, avec une seule armée, un seul commandement ? Pourquoi ne le faisons-nous pas ? Nous avons besoin de le faire. Nous ne disons pas que des bonnes idées n’ont pas été proposées, nous en avons, le traité d’Abuja par exemple, ce sont de très bonnes idées, mais je crois que le point qui manque est l’attention des leaders politiques. Qu’est-ce qui a poussé ces leaders à se soutenir, soutenir les mouvements de libération, la lutte contre l’apartheid ?

Comment définissez-vous cette collaboration ?

Elle est politique. Donc sans aucun objectif commun, aucune unité politique. Cela va nous prendra un long moment pour réussir une intégration économique. Nous nous querellerons sur des détails. Nous devons avoir une vue générale, pour commencer.

Pensez-vous qu’il revient au secteur privé, à la société civile de faire ce que les politiques n’ont pu, voire ne veulent pas faire, l’unification ?

Bonne question… C’est le moment pour les peuples, le moment pour la détermination populaire, les jeunes. Ce n’est pas une question de secteur privé, ce sont les peuples dans leur ensemble, avec tout ce qui constitue leur force, et en premier lieu les jeunes. C’est dans l’intérêt de tout le monde. Vous voyez, comment pouvons-nous augmenter le niveau de vie de chaque Africain si nous n’utilisons pas les produits de nos voisins ? Nous avons des produits de valeur sur le continent, mais on préfère échanger avec l’étranger. Pouvez-vous imaginer si nous échangions avec nos voisins, entre nous, seul le ciel serait notre limite. Cette unité est pour les peuples, ce n’est pas pour un petit nombre. C’est pour la majorité des Africains. Donc, une fois que les peuples sont sensibilités à l’intérêt de l’unité, s’ils comprennent que c’est la seule façon d’utiliser nos ressources, je pense qu’ils la soutiendront. Ils mettront alors la pression sur leurs leaders afin de faire ce qui est nécessaire. Je pense que le temps est arrivé.

Pensez-vous que le temps est propice pour l’unification avec l’arrivée au pouvoir de leaders qui s’affichent comme panafricanistes ?

Je ne peux pas dire que nos leaders d’aujourd’hui vont vers l’unité d’une façon pratique. Après 50 ans, quelle position sur l’unité avons-nous prise ? Je veux dire concrètement. Nous n’avons pas fait assez de progrès. Mais ce que je perçois, c’est que les peuples sont prêts. Comment je le sais ? Parce que nous avons essayé différentes mesures, certains pays comme nous, le Ghana, ont instauré les règles constitutionnelles, la démocratie, le multipartisme, les élections, la paix, la stabilité, mais les problèmes économiques sont les mêmes. La majorité de nos peuples souffre. Les gens votent tous les trois ans, mais rien de concret ne change. Ceci doit nous amener à comprendre qu’il doit y avoir une autre solution. Vous voyez la démocratie seule ne suffit pas parce que nos économies sont très petites. On n’est pas viable. Pourquoi ne cherchons-nous pas cette solution originelle que nous n’avons jamais essayée : l’unification. Ça pourrait résoudre nos problèmes économiques. Nous n’étions pas faits pour être de petits pays. Sommes-nous ceux qui ont dessiné les frontières pour nos économies ? Non !

Nous ne les avons pas dessinées. Donc, comment peut-on nous attacher à quelque chose que les colonisateurs nous ont imposé ? Maintenant que nous sommes libres politiquement, nous devons au moins décider de la prochaine étape. Est-ce qu’il sera question d’une nation africaine ou allons-nous continuer de souffrir individuellement ? Donc, je pense que les peuples avec l’éducation, une bonne sensibilisation, vont prendre leur responsabilité et forcer les leaders à avancer dans cette direction. C’est le lien qui manque et je pense que nous l’avons compris, les jeunes, les femmes doivent se sentir concernés, les femmes en particulier parce que vous savez quand nous regardons notre histoire, quand il y a un grand changement, une révolution comme une lutte pour l’indépendance, les femmes sont toujours en première ligne. Les femmes représentent la base. Si les femmes s’impliquent, il n’y a pas de raison qu’on ne fasse pas de progrès. Si les femmes soutiennent l’unification africaine, il n’y a pas de raison qu’on n’aille pas de l’avant.

Paul Kagame a un programme très ambitieux pour l’Union africaine, pensez-vous que cela soit la meilleure voie ?

Le programme est ambitieux, mais si on ne résout pas les questions difficiles de l’unité politique, je ne vois pas comment nous pouvons faire des progrès. Mais en ce qui concerne la planification économique et l’intégration, une stratégie politique commune est le préalable.

Pour vous, la question est politique ?

Évidemment, ça oriente tout ce que nous faisons. C’est la détermination populaire qui va décider. C’est là où résident nos espoirs. C’est un devoir historique tout comme l’indépendance l’était. Si le XXe siècle a été celui des Indépendances, le XXIe siècle doit être celui de l’unification de l’Afrique. Nous le devons à nos pères ainsi qu’à nos enfants.

source: africanewsagency.fr

Biscone ADZOYI
Biscone ADZOYIhttp://elitedafrique.com
Biscone Adzoyi est journaliste rédacteur à Elite d'Afrique depuis 2017. Il s’intéresse particulièrement aux questions environnementales et de développement durable
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