Résumer la personnalité de Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo pourrait tenir en 2 mots : le courage et l’audace. Des traits de caractère qui ont fait de lui, un dinosaure de la politique togolaise pendant ces trente dernières années.
Son parcours pourrait être digne d’une intrigue de série politique américaine à succès. Et pourtant nous sommes au Togo. De 1980 à 2003, puis à partir de 2005, l’homme aura fait couler beaucoup de salive, d’encre et de sueurs froides aux barons du RPT.
Né en 1954 à Tokpli, dans la préfecture de Yoto, le futur protégé de Gnassingbé Eyadéma a fait ses études supérieures en France. En Janvier 1983, il en sortira de l’Université de Poitiers nanti d’un diplôme en gestion organisationnelle. Issu d’un milieu modeste, très intelligent et ambitieux, le jeune Agbéyomé ne va pas tarder à se faire une place de choix dans les hautes sphères du pouvoir détenu à l’époque par le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), dès son retour au pays.
Directeur commercial de la SONACOM de 1985 à 1988, il sera par la suite fait ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture le 19 décembre 1988. Un poste qu’il va occuper jusqu’en septembre 1991.
Commence alors son long périple sur la scène politique togolaise. Il devra alors slalomer entre embûches, coups bas et mauvais-oeil du jeu politique desquels il n’aurait pu s’en sortir et réaliser ses rêves de grandeur qu’avec le concours de ses bonnes relations avec le père de la nation. En effet, le jeune politicien pouvait compter sur la bonne presse qu’il avait auprès du Général Eyadéma.
Après l’instabilité politique qui a conduit le pays à la conférence nationale souveraine puis au gouvernement de transition, Agbéyomé a été nommé ministre de l’Administration territoriale et de la sécurité en septembre 1992. Même si Me Joseph Kokou Koffigoh, premier ministre de la transition d’alors le limogea de son poste en novembre 1992, le fils de Yoto et l’un de ses collègues, Benjamin Agbeka, quant à lui ministre de de la Communication et de la Culture, avec le soutien du président de la République refusèrent de quitter le gouvernement. Il occupera alors ses fonctions jusqu’en février 1993. Il sera ensuite nommé Directeur général du Port autonome de Lomé qu’il dirigera pendant six ans.
En 1999, Kodjo a été élu à l’Assemblée nationale comme député du RPT dans la troisième circonscription de la préfecture de Yoto puis président de l’Assemblée nationale en juin 1999. Un peu plus d’un an plus tard, il fut nommé premier ministre, le 29 août 2000, en remplacement d’Eugène Koffi Adoboli, par le président Eyadema suite à un vote de confiance dont il est supposé avoir tiré les ficelles.
Le 30 août 2001, le jeune politique vole au secours de son mentor en demandant que la Constitution soit modifiée pour lui permettre de briguer un troisième mandat en 2003.
La voie du fauteuil présidentiel semblait enfin tracé pour lui, puisqu’il était présagé successeur du général Eyadéma. Mais, les choses ne se s’étant pas passées comme prévu, un conflit sur fond de divergence d’opinion au sein du RPT naquit entre Agbéyomé et le président de Eyadéma qui le démet de ses fonctions de Premier ministre le 27 juin 2002.
Ainsi commence la descente aux enfers de l’ex « petit protégé » du Général Eyadéma qui va tôt faire de devenir l’un de ses plus farouches adversaires. Il est vite considéré comme une épine dans le pied du pouvoir qu’il faudra ôter coûte que coûte.
Activement recherché par le pouvoir de Lomé 2 pour avoir déshonoré le père de la nation et trouble à l’ordre public, il sera contraint à l’exil d’où il continuera à déballer les revers et les magouilles de la gouvernance de son ancien mentor et père spirituel.
En avril 2005, à l’annonce de la mort du Général Eyadéma, il rentrera au pays. Mais, manque de pot, il se fera arrêter et emprisonner pour détournement de fonds présumé alors qu’il était Directeur général du port autonome de Lomé.
En septembre 2005, il crée avec Dahuku Péré, un autre rejeton du RPT, un nouveau parti politique : l’Alliance démocratique pour la patrie (connue simplement sous le nom de l’Alliance), signant son entrée officielle dans l’opposition togolaise. Il créera ensuite en prélude à l’élection présidentielle de 2010, son propre parti baptisé : Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS).
Très friand du changement, l’ancien premier ministre transformera le nom de son parti (OBUTS), en Mouvement patriotique pour la démocratie et développement (MPDD). Parti sous lequel il deviendra député à l’Assemblée nationale en 2019. Il sera ensuite choisi et investi par Mgr Phillipe Fanoko Kpodzro comme candidat à l’élection présidentielle du 22 février pour le compte de la « Dynamique Kpodzro ».
Mais pour celui qui aura accumulé tous les postes clés au Togo, celui de « Président de la République » lui filera encore une fois entre les doigts à la suite de la présidentielle de 2020 où il ne s’en sortira que 2e derrière le « Champion » du parti UNIR avec des contestations qui peinent à recevoir un écho favorable devant les juridictions nationales habiletées.
Désenchanté depuis son arrestation en avril dernier pour troubles aggravés à l’ordre public et utilisation frauduleuse des insignes de l’État entre autres puis sa libération et sa mise sous contrôle judiciaire, Agbéyomé Messan Gabriel Kodjo continue de ruminer sa défaite en attendant de trouver une autre opportunité pour rebondir.
Le parcours d’Agbeyomé est la preuve qu’en politique, les amis d’hier peuvent devenir les ennemis de demain et que rien n’est acquis. Pas même le rêve de devenir président au Togo même avec toute la volonté possible.