La crise au sein du Comité d’Action pour le Renouveau(CAR), va-t-il connaitre bientôt son épilogue ? Une sortie récente d’un groupe de jeunes se réclamant de la jeunesse de ce parti, marque un tournant décisif de la crise, et consacre l’irrémédiable scission des deux camps qui s’opposent au sein de la troisième force politique du pays. Les deux nouvelles entités (le reliquat du CAR sans les partisans de Me Apevon et le nouveau parti) survivront-ils à cette imminente dissidence ?
Les faits
L’histoire ressemble a celle qu’a connu il ya près de six ans, l’Union des Forces du Changement (UFC), alors première force politique du pays. Le 26 février 2016, alors même que le parti CAR était en pleine préparation d’un congrès ordinaire, Maitre Yawovi Agboyibor, dans une lettre adressée aux militants demande la suspension du processus jusqu’à la résolution définitive de la crise, qui selon lui, secoue le parti.
En effet, le natif de Kouvé, président d’honneur du CAR, dont il est membre fondateur et ancien président, reproche à son poulain, Me Apevon, une position de plus en plus proche de celle de l’ANC (accusé de radicalisme). La crise qui secoue le parti en réalité depuis près de deux ans, vient ainsi d’être relevée au grand jour.
Me Agboyibo dit avoir été sollicité par certains cadres dont James Amaglo, pour reprendre la tête du parti et repositionner le parti, qui perd de plus en plus de terrain aux différentes échéances électorales. Dans la foulée, James AMAGLO, dénonce dans une mise au point, les contres vérités de Yawovi Agboyibor. La crise est donc publique et les deux camps s’affrontent par médias et courriers opposés. D’un coté les légalistes, qui militent pour un respect de l’ordre statutaires au CAR et les anarchistes de l’autre, qui veulent coûte que coûte le retour aux affaires de Me Agboyibor. Si les uns choisissent la sobriété et la retenue, les autres versent dans la délation et dans la violence verbale, puis physique.
« Pourquoi, deux juristes du niveau d’Apevon et d’Agboyibor, ne comprenne pas qu’il faut arrêter ce désordre, et aller à un congrès, pour résoudre définitivement ce conflit de leadership en s’en remettant aux voies des militants » avait estimé un observateur à l’époque.
En juin dernier, alors même que Me Apevon était en mission parlementaire en Europe, le camp adverse, acquis à la cause de Me Agboyibo réunit quelques militants et tente un coup de force, pour changer Me Apevon à la tête du parti. La réunion aboutit finalement à un ultimatum. Selon un document issu de la rencontre, 33 fédérations sur les trente six que compte le parti demandent au président en exercice d’organiser le congrès dans un délai d’un mois. Depuis, à chaque mois le groupe, qui en réalité se révèle n’être représentatif que d’une dizaine de fédérations du CAR, adresse un courrier rappel au président du parti.
Interrogé, un des cadres du parti, un peu en retrait par rapport à la crise actuelle, estime que de sa première lettre demandant la suspension de l’organisation du congrès, à la demande d’organisation du congrès, Me Agboyibo, le véritable instigateur de la crise, a eu le temps de s’assurer qu’il pourrait gagner la bataille du terrain politique et les voies des militants.
Interrogé sur la crise par certains confrères, Apévon a de son coté, décidé de ne pas parler publiquement de la crise. « Le moment viendra où je parlerai de la crise au CAR. Je n’en parle pas pour le moment. Je sais, le moment viendra où on parlera aux Togolais de l’origine de la crise au CAR. Vous avez constaté que, depuis cette crise, je ne parle pas. J’ai décidé volontairement de ne pas parler, mais j’en parlerai. Je l’ai déjà annoncé dans deux de mes réactions, que je parlerai de cette crise, et le jour où je le ferai, tout le monde comprendra d’où vient la crise ? Qui est à l’origine ? Qui manipule, qui tire les ficelles ? Et tout le monde le saura. » a indiqué celui qui est toujours statutairement le président du CAR.
Un nouveau parti comme solution
Un homme politique, estimait dans une métaphore assez explicite, que quand on vous chasse de votre propre maison avec des flèches, vous n’avez d’autres choix que de construire votre hutte vous-même, ou de vous abriter chez quelqu’un d’autre. La crise au CAR a atteint son paroxysme. Au point que les partisans des deux partis sont incapables au jour d’aujourd’hui de rester ensemble, sans en venir aux mains. Le divorce entre les deux clans est désormais consommé.
Si l’on peut mettre en cause, la sournoiserie de Me Yaovi Agboyibo qui veut reprendre la tête de son parti, quoiqu’il lui en coute, malgré même qu’il n’avait véritablement pas pris sa retraite politique comme annoncé en 2008, l’attitude passéiste de Me Apevon, qui n’a pas vite coupé le cordon ombilical qui le liait à son ancien patron a porté également les germes de cette crise.
Pour beaucoup d’observateurs de la vie politique, les partisans d’Apevon s’acheminent vers la création de leur parti avec celui-ci bien évidemment à la tête.
Samedi dernier, des jeunes venus de toute l’étendue du territoire national se sont réunis à Lomé. Le but était de demander à l’actuel président du CAR de franchir le pas et de créer son propre parti politique comme il l’avait promis au début de la crise en affirmant que « lorsque vous êtes dans une voiture qui tombe en panne, vous devez chercher une autre voiture pour embarquer les passagers afin de poursuivre votre route » (une autre métaphore), rapporte un site d’information.
« Notre parti est aujourd’hui la risée des Togolais il faut que cela s’arrête. Ce qu’il y a lieu de faire c’est que Me Apévon crée son propre parti» a indiqué, Abel, un jeune participant à la rencontre de samedi. Pour sa part, Sarah, une autre jeune membre du CAR, a indiqué : « Lorsque nous demandons qu’un nouveau parti soit créé c’est parce qu’il y a quelque chose qui va mal et que nous étions en train de dénoncer. Le vivre ensemble n’est plus possible et sur la scène politique togolaise, il n’y a pas de parti politique qui puisse incarner nos visions ». La thèse du ralliement a une autre formation politique, est ainsi écartée.
Du coté des partisans de Me Agboyibor, l’on attend que ce départ des sécessionnistes, pour donner du soulagement, au parti qui est en léthargie depuis des mois.
Pour sa part, Me Apevon lui-même, se veut rassurant, « nous écoutons les différents appels, et nous n’allons pas en parler, au moment venu, nous irons à l’action et c’est en ce moment que nous en parlerons »
N’empêche que dans son entourage, les idées sont, on ne peut plus claire. Ce ne sont pas seulement les jeunes qui ont appelés le président à créer un parti, indique un cadre des légalistes. « Différentes couches du parti ont demandé au président (ndlr Apévon) de lancer son propre parti et l’affaire est sur la bonne voie ».
Le congrès statutaire du nouveau parti aura lieu mi-septembre, nous a confié une source bien renseignée dans l’entourage de Me Apevon.
Reste que les analystes ne vendent pas chères, l’avenir des deux formations, celle naissante de Me Apevon, et le reliquat du CAR. Même si la nouvelle formation à naitre semble être celle qui aura le plus de poids. Le CAR s’achemine indubitablement vers un scenario à l’UFC. Les deux formations pourront néanmoins compter sur l’assise très régionaliste (Yoto et Vo) du CAR pour démarrer la nouvelle aventure.