Agrégé des Facultés de droit, Akodah AYEWOUADAN, professeur à l’Université de Lomé et directeur des prestations de services de ladite Université, a expliqué sur son blog le 02 mai 2020, les rouages du droit togolais en ce qui concerne les réseaux sociaux et la vie privée.
Des atteintes à l’intimité de la vie privée
Les réseaux sociaux peuvent constituer un vecteur de la violation de l’intimité de la personne. Une telle infraction peut être caractérisée lorsque d’une part, l’on publie ou diffuse des papiers ou enregistrements privés, un dessin, une photographie, un film ou tout autre support reproduisant l’image de cette personne sans son accord ou celui de ses ayants droit.
Le droit à l’image impose que toute personne ait le droit de disposer de son image et conséquemment de s’opposer à la publication, à la diffusion ou à l’utilisation de son image. Concrètement, avant de publier une photo sur laquelle apparaît une personne, il faudrait obtenir son consentement préalable. Cette demande est faite au nom du respect de la vie privée dont le droit à l’image constitue un outil de protection. Il faut préciser que le fait qu’une personne accepte d’être photographiée n’implique pas automatiquement son consentement à la publication.
D’autre part, une telle violation est caractérisée par le fait d’organiser, par quelque procédé que ce soit, l’interception, l’écoute ou l’enregistrement de communications privées, orales, optiques, magnétiques ou autres échanges reçus dans un lieu privé, à l’insu ou sans l’accord des personnes en communication ou du maître des lieux.
Réseaux sociaux, un medium d’infractions ?
Enfin, les réseaux sociaux peuvent être le medium d’infractions telles que le chantage, le revenge porn et le harcèlement. En droit togolais, le chantage est prévu et puni par le code pénal. Le revenge porn est une violation délibérée de la vie privée intime d’autrui par la transmission ou l’affichage d’un contenu sexuellement explicite (une image, un audio ou une vidéo) d’une personne qui est dans un lieu privé, sans le consentement de celle-ci [5], dans un but de vengeance ou d’extorsion. Ce comportement n’est pas expressément prévu par le législateur, mais tombe sous le coup de plusieurs dispositions pénales, notamment l’atteinte à la vie privée, à l’honneur et à la dignité, le droit à l’image.
Code pénal et harcèlement sexuel
Le harcèlement est édicté sous la rubrique des attentats contre les mœurs. En effet, aux termes de l’article 299 du Code pénal, « Constitue un harcèlement sexuel, le fait pour une personne d’user d’ordres, de menaces, de contraintes, de paroles, de gestes, d’écrits ou tout autre moyen dans le but d’obtenir d’autrui, contre son gré, des faveurs de nature sexuelle ». Il s’agit bien entendu d’une infraction classique, mais elle trouve une « nouvelle jeunesse » à travers les réseaux sociaux qui peuvent en faciliter la commission.
L’infraction est caractérisée par le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. L’anonymat relatif des réseaux sociaux est un véritable comburant pour le développement de cette forme de harcèlement.
Le harcèlement sexuel commis avec les TIC et notamment sur les réseaux sociaux n’échappe pas à la sanction prévue par l’article 300 du code pénal, à savoir une peine d’emprisonnement de un (1) à deux (2) ans et d’une amende de cent mille (100.000) à un million (1.000.000) de francs CFA ou de l’une de ces deux (2) peines. Il faut souligner l’étroitesse du domaine du harcèlement retenu par le législateur togolais. En effet, celui-ci ne prend en considération que le harcèlement sexuel. Or, il est indubitable que les formes du harcèlement sont plurielles. A côté du harcèlement sexuel, l’on note le harcèlement moral.
Harcèlement moral, l’insidieux
Et, cette dernière forme de harcèlement, qui peut être la plus insidieuse, n’a pas eu l’heur de retenir l’attention du législateur. L’approche retenue ne semble pas non plus procéder d’une « qualification unique de harcèlement ». Aujourd’hui il faut certainement avoir une vue plus globale du harcèlement, et l’étendre au cyberharcèlement.
Celui-ci peut être défini comme un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus, de manière répétée dans le temps, au moyen des technologies d’information et de communication pour porter délibérément atteinte à un individu qui ne peut facilement se défendre seul. Il peut se manifester par l’humiliation, les moqueries, les injures, la diffamation, le discrédit, l’intimidation, l’usurpation d’identité́, les menaces physiques, les prises de contact insistantes. Le cyberharcèlement n’est pas en soi une infraction réprimée en tant que telle par la loi togolaise, l’auteur d’actes accomplis à cette fin est toutefois susceptible de voir engager sa responsabilité́ sur le fondement du droit civil, du droit de la presse ou du code pénal.
Agrégé des Facultés de droit, Akodah AYEWOUADAN est professeur à l’ Université de Lomé (Togo). Actuellement, il est directeur des prestations de services de l’Université de Lomé. Après ses études supérieures à l’Université de Poitiers, il a soutenu une thèse sur la contractualisation en ligne en 2010, publiée chez Larcier. Akodah AYEWOUADAN mène des recherches de façon générale sur le Droit des affaires (Ohada) et le Droit Civil. Spécifiquement, ses travaux touchent les domaines suivants : Audit juridique, Contract management, droit des affaires Ohada, droit de la famille, droit de l’investissement, droit des techniques de l’information et de la communication, droit de l’Arbitrage et droit pénal.