Ekué Samuel Mivedor: « La mission phare de Togo Invest à sa création est le développement d’un corridor de transport axé autour d’un corridor ferroviaire »

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Lancé en 2014 pour conduire le développement et la mise en œuvre d’investissements stratégiques, Togo Invest, après avoir pris, cinq ans durant, la température de l’environnement (études de faisabilité et autres), semble entrer dans sa phase opérationnelle. Plateforme logistique multi-services, projet de Zone économique spéciale, Port sec de Cinkassé, chemin de fer de trafic lourd à écartement standard, à l’aune du PND dont la holding d’Etat mise en place pour attirer les investissements structurants sera la colonne vertébrale, Samuel Ekue Mivedor, son DG, ancien Directeur de la Division, Gestion de portefeuille au Département secteur privé de la Banque africaine de développement (BAD) revient sur le bilan et les enjeux.

En matière d’investissement au Togo, quelle place occupe Togo Invest Corporation ? Sur quels genres de projets d’investissement votre institution intervient-elle ?

Ekué Samuel Mivedor (ESM) : La mission de Togo Invest Corporation SA (TI) est de conduire le développement et la mise en œuvre d’investissements stratégiques par et pour l’Etat afin de créer de la valeur pour l’économie togolaise et ses populations. En effet, la société a été conçue comme l’un des acteurs économiques du pays à même de nouer des partenariats publics-privé sur les grands projets structurants du pays.

Ainsi nous initions des projets, et sommes également preneurs de projets externes, dans la mesure où ceux-ci répondent à l’objet de la société. Pour répondre à votre question, nous intervenons sur tout type de projet de développement économique qui cadre avec la politique nationale du gouvernement et qui est conforme à notre objet.

Naturellement, Togo Invest est un acteur clé du Plan National de Développement (PND), car nous portons une bonne partie des projets de ce plan notamment ceux composant les deux premiers axes, et sur lesquels nous travaillons activement en collaboration avec les différents ministères concernés et d’autres entités étatiques telle que la cellule Présidentielle pour le Suivi et l’Exécution des Projets (CPES). 

Togo Invest a démarré en 2014. Que vaut son portefeuille de projets cinq ans après.

ESM : Le portefeuille de TI se porte bien et nous rentrons dans la phase opérationnelle où des projets vont commencer à voir le jour. A ce jour, nous disposons d’études pointues sur de grands projets structurants tels que la ligne de chemin de fer Lomé-Cinkassé, le potentiel minier en l’occurrence le gisement de fer de Bassar, le port de Lomé et sa capacité à pouvoir gérer des volumes de minerais ainsi que l’augmentation de volumes de conteneurs qu’engendrerait la modernisation des infrastructures portuaires.

Nous comptons aussi à notre actif des études du réseau électrique portant sur l’injection probable d’une capacité de 300 MW supplémentaires en courant continu pour soutenir le niveau d’activité économique qu’engendreraient les projets du PND et du corridor de développement. 

En outre, des études ont également été menées pour analyser comment les différents projets logistiques pourraient être complémentaires dans un contexte de développement spatial intégrant les corridors Sud-Nord et Est-Ouest. Il s’agit d’une planification stratégique qui intègre le port, la route, le chemin de fer et l’aéroport dans un contexte de développement urbain du Grand Lomé et du transport multimodal.

Je ne vais pas m’attarder sur les études actuellement en cours pour la réalisation de la plateforme logistique multiservices et du port sec de Cinkassé.

Pour Togo Invest, toute cette batterie d’études constitue une bonne base de travail et de planification qui nous permet de mettre en marche un programme d’investissement cohérent et attractif pour le secteur privé.  

Pour finir, je fais remarquer que cinq ans après, les projets stratégiques étudiés et développés par TI sont pris en compte et identifiés comme projets prioritaires dans le Plan National de Développement 2018 – 2022, notamment en son axe stratégique 1 qui envisage de mettre en œuvre « un hub logistique d’excellence et un centre d’affaires de premier ordre », que sont : la plateforme logistique multiservices, le port sec de Cinkassé, entre autres. Et nous espérons compter sur la participation de tous pour la concrétisation de ces projets qui sans doute seront catalyseurs pour l’économie togolaise.

Vous portez une demi-dizaine de projets phares du Plan national de développement (PND 2018-2022), généralement des PPP. Quand on s’appelle Togo Invest, institution ayant un actionnariat bien constitué comme le vôtre, mais très jeune, comment arrive-t-on à mobiliser les acteurs pour le financement de ces projets ?

ESM : La création de Togo Invest initie une approche ciblée du gouvernement togolais visant à disposer d’un outil stratégique de développement économique. Tout en étant une entreprise publique détenue à 100% par l’Etat qui en est donc l’actionnaire unique, nous sommes régis par le droit privé. Notre crédibilité et notre mode de gouvernance privée est un atout qui rassure tout acteur économique qui souhaite investir, avec nous, au Togo.   

A ce stade de la jeune vie de TI, nous intervenons en investissant directement dans les projets en fonds propres et/ou organisons le secteur privé autour de certains projets avec une rentabilité avérée. A titre d’exemple, notre conseil d’administration a notamment approuvé en 2018, deux investissements : une participation dans la centrale Kekeli Efficient Power qui sera construite avec notre partenaire Eranove, puis la création d’une joint-venture avec China Merchants Ports Holdings.

Le véritable défi de TI n’est pas tant la mobilisation des acteurs mais c’est comment trouver des modes de financement innovants pour réaliser les grands projets au regard du niveau de notre économie et de notre capital qui nécessite d’être amélioré.

La concrétisation de certains projets d’infrastructures va nécessiter que Togo Invest soit suffisamment capitalisée, avec des actifs productifs de revenus et nous y travaillons avec notre actionnaire, afin de nous donner les moyens nécessaires à Togo Invest de véritablement jouer son rôle et réaliser les objectifs qui lui ont été assignés.

En termes de progrès en matière de climat des affaires, le Togo a notamment fait un bond de 19 places dans le Doing Business 2019. En tant qu’institution spécialisée dans la mise en place des PPP, sentez-vous déjà les prémices de cette performance ?

ESM : Assurément, nous le ressentons par l’intérêt grandissant des investisseurs internationaux pour investir dans notre pays, un état de fait qui est renforcé par l’existence de notre PND qui représente un vrai programme d’investissements qui attire déjà plusieurs investisseurs. Les programmes de notations des indicateurs des pays tels que le Doing Business offrent une première image du cadre d’investissement de nos pays pour les investisseurs étrangers et l’amélioration des indicateurs que représentent le Doing Business permet de créer un cadre attractif et propice au développement des affaires et à l’attraction des investissement directs étrangers. Je pense que le Togo est résolument lancé sur la voie du développement et nous tenons à féliciter les réformes sur le climat des affaires entreprises par le gouvernement à travers la Cellule du Climat des Affaires, sous le leadership du Président de la République. 

A Hangzhou en septembre dernier, Togo Invest Corporation et China Merchant ont scellé un partenariat pour la création d’une co-entreprise. Où en est le processus et qu’augure cette nouvelle alliance ?

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ESM : En mai 2015, l’Etat togolais a signé un partenariat stratégique non exclusif avec la société China Merchants Group (CMG) pour développer des projets dans plusieurs secteurs de l’économie togolaise en se basant sur ses avantages comparatifs. En application de ce partenariat, la Holding d’Etat Togo Invest a subséquemment signé avec l’une des filiales de CMG un accord-cadre établissant un groupe de travail chargé d’identifier des projets. L’un des projets prioritaires à développer conjointement est la mise en place d’une zone économique spéciale (ZES). C’est à cet effet que le pacte d’actionnaires de la co-entreprise Togo Merchants Investment and Development a été signé en septembre 2018 entre Togo Invest Corporation SA et China Merchants Ports.

Je vous informe que China Merchants Ports Holding est une filiale de la Société China Merchants Group, l’un des principaux acteurs chargés de la mise en œuvre de l’initiative de la Route et de la Soie (OBOR), lancée par le Président Xi Jiping. Initiative pour laquelle le Togo, sous le leadership de son président son Excellence Faure Gnassingbe adhère totalement.

Togo Merchants Investment and Development, société faîtière du Partenariat Economique Stratégique entre le Togo et CMG, se chargera de faire les études, la planification et la réalisation d’une zone économique spéciale et permettra de consolider la coopération fructueuse et historique entre la Chine et le Togo.

Quels sont les composants de ce gigantesque projet, la ZES, et où en est-il?

ESM : Les études topographiques de la zone économique spéciale du Lac Togo seront bientôt finalisées. Les études de faisabilité proprement dites seront réalisées par la Togo Merchants Investment and Development. La politique d’aménagement de ce domaine de plus de 500 hectares définit des espaces avec des activités spécifiques. Il s’agit de la zone résidentielle et touristique, la zone industrielle et la zone commerciale.

La construction d’une plateforme logistique multiservices à Adakpamé est l’un de vos projets en cours. Que doit-on en savoir ?

ESM : La plateforme logistique multiservices est un projet qui vise deux principaux objectifs. D’abord, celui de désengorger la zone portuaire en relocalisant des activités qui n’ont pas forcement vocation à se développer dans l’environnement immédiat du port, vers une zone stratégique plus appropriée, offrant ainsi de meilleurs avantages en termes d’espaces et de connectivités avec les différents pôles de production et de consommation de Lomé, des autres villes du Togo et aussi des pays voisins.

Ensuite, la plateforme permettra de conteneuriser le corridor togolais. Il y sera aussi organisé des activités logistiques autour du fret portuaire et aéroportuaire. Globalement, il s’agira de développer sur une superficie disponible d’environ 500 ha une plateforme logistique comprenant un pôle de logistiques et de services support d’au moins 50ha à la sortie de la ville de Lomé dans les environs d’Adakpamé. Le reste sera consacré aux aménagements de types industriels et touristiques. Ce projet est une réelle opportunité, tant pour la main d’œuvre locale que pour les investisseurs, notamment dans sa phase de conception, de financement, de construction et d’exploitation. A ce stade, les études de faisabilité sont achevées, la recherche de financement est en cours. Des intentions de financement ont été enregistrées sur différents volets du projet et sont en cours d’étude. Nous espérons boucler très vite cette étape et procéder au début des travaux très prochainement. 

Relier le Togo par les rails. C’est l’un des vieux objectifs de Togo Invest dès sa création.  Depuis, la réhabilitation et la modernisation de ces chemins de fer sont restées à l’étape de projet. Qu’est-ce qui freine leur mise en œuvre ?

ESM : En effet, la mission phare de Togo Invest à sa création est le développement d’un corridor de transport axé autour d’un corridor ferroviaire.

Le projet de Corridor de Transport du Togo a évolué en plusieurs phases. Le concept initial de corridor de transport était basé sur les atouts naturels dont jouit le Togo à savoir : l’existence d’un port en eaux profondes à Lomé, une bonne géographie et topographie permettant la mise en place d’un important corridor logistique vers les pays de l’hinterland. Ce concept a été renforcé par l’existence d’un important gisement de fer à Bassar à 450 km de Lomé, en plus du potentiel agricole du Togo. Il a été alors convenu qu’un tel corridor ne pourrait être desservi que par un système ferroviaire moderne dédié au trafic lourd couplé avec la route et un réseau de télécommunications.

Les études de préfaisabilité réalisées sur les infrastructures, ferroviaire et portuaire, s’étaient fortement focalisées sur un potentiel d’exportation d’environ 20 millions de tonnes de minerais de fer. Le mécanisme de financement du projet se reposerait principalement sur les flux de revenus générés par le transport de ce minerai. Cependant, la chute des cours de matières premières nous a amenés à réorienter la stratégie vers le transport de fret, en particulier les conteneurs. L’opérationnalisation de Lomé Container Terminal (LCT) a également renforcé la nécessité d’analyser davantage les mouvements de fret sur le corridor Lomé-Cinkassé et la position du port de Lomé dans le contexte de compétitivité sous-régionale. L’étude des mouvements de fret commanditée par Togo Invest montre un potentiel de trafic de conteneurs, qui pourrait être plus important, si des initiatives sont mises en œuvre pour améliorer l’efficience du Corridor du Togo.

Pour rappel, il s’agit d’une ligne de chemin de fer moderne pour trafic lourd à écartement standard qui empruntera un tout nouveau tracé qui a fait l’objet d’étude et dont les travaux de sécurisation des servitudes sont actuellement en cours avec les autorités compétentes. 

Lancé il y a 5 ans pour catalyser les investissements privés, Togo Invest compte  aussi dans son portefeuille de projets la reprise de Shell, devenue T-oil. Du moins pour ce qu’on en sait. Il faut avouer que vous communiquez très peu. Est-ce une stratégie ou éprouvez-vous des difficultés à attirer des investisseurs majeurs?

ESM : C’est vrai  que Togo Invest a été largement impliqué dans la transaction qui a permis le rachat par l’Etat togolais des participations du Groupe Shell dans les sociétés STSL, T-oil et Compel. Le Togo dispose du plus grand dépôt de stockage de produits pétroliers en Afrique et vous conviendrez avec moi que l’économie togolaise bénéficiera énormément d’un corridor énergétique et d’un secteur des hydrocarbures bien structuré à son service et des pays de la sous-région.

Pour ce qui est du portefeuille de TI, nous comptons aujourd’hui plusieurs études sur des projets d’infrastructures. Certains projets, tel que le chemin de fer, nécessitent d’importantes ressources pour leur financement. D’autres, notamment la plateforme logistique multiservices et le port sec, suscitent aujourd’hui un intérêt certain des investisseurs et seront réalisés dans les meilleurs délais avec des investisseurs privés nationaux et internationaux.

C’est dire que nous n’éprouvons pas de difficultés pour attirer des investisseurs car nos projets sont structurants et attirent, du fait de leur importance pour l’économie togolaise, les investisseurs.

Cela dit, en ce qui concerne la communication, le fait est que pendant la phase d’étude de nos projets, notre stratégie est plus orientée vers un dialogue direct avec les investisseurs et bailleurs de fonds pour l’atteinte de nos objectifs. Cette stratégie est gagnante, comme peuvent en témoigner notamment la création d’une co-entreprise avec notre partenaire China Merchants Ports Holdings pour développer une zone économique spéciale, notre partenariat avec Sogea Satom sur la plateforme logistique multiservices et bien d’autres partenariats. Par ailleurs, nous avons participé à plusieurs fora tels que notre collaboration avec Afreximbank pour l’organisation de leur roadshow à Lomé en novembre 2016, la participation au Forum Chine-Afrique en septembre et au forum des investisseurs de la BAD en Afrique du Sud en octobre 2018.  Le CEO forum à Kigali et le prochain  Forum Togo-UE les 13 et 14 juin 2019, sont des vitrines qui permettront à Togo Invest d’avoir une meilleure visibilité et discuter directement avec les investisseurs. Nous avons aussi un site internet qui donne des informations pertinentes sur nos projets. C’est vrai nous communiquons relativement  peu parce que nous avons gardé une ligne de conduite à ce sujet. Maintenant, je peux vous assurer que nous communiquerons un peu plus puisque nous rentrons dans une phase opérationnelle en ce qui concerne les projets.

Quelles sont les nouveaux défis de Togo Invest ?

ESM : A très court terme, Togo Invest s’inscrit dans le cadre du PND et dans la réalisation des projets qui le constituent. Parallèlement, Togo Invest entend diversifier son portefeuille vers d’autres secteurs de l’économie tels que l’agriculture et le tourisme. Enfin, en tant que société holding, notre objectif est de développer notre activité de gestion des actifs et participations de l’Etat afin de créer de la valeur pour l’économie togolaise.

source: togofirst

Biscone ADZOYI
Biscone ADZOYIhttp://elitedafrique.com
Biscone Adzoyi est journaliste rédacteur à Elite d'Afrique depuis 2017. Il s’intéresse particulièrement aux questions environnementales et de développement durable
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