Atchabao Achad, d’Africa Thé un thé africain

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Rien ne prédestinait Atchabao Achad à l’entrepreneuriat, encore moins dans le domaine de la santé. Féru de TIC, le titulaire d’une Licence en Informatique Réseaux et Télécommunications, a eu un jour une rencontre qui le bouleversera au point de modifier sa trajectoire professionnelle.

Après bien de pérégrinations et le concours du Faiej, il lance en 2017 Togo Vie, une entreprise qui produit des infusions thérapeutiques connues sous la marque Africa Thé. Désormais il emploie 18 personnes et génère un chiffre d’affaires mensuel de 1 600 000 Fcfa, selon les informations du Faiej.

Togo First : Comment est né « Africa Thé » ?

Atchabao Achad : J’ai commencé très tôt à chercher à travailler. Quand j’étais en deuxième année en informatique, je me suis fait des cartes de visite que je distribuais aux ONG, pour leur montrer mes talents en conception de site web. Donc j’ai décroché des contrats et j’allais souvent du côté d’une banque de la place pour y déposer de l’argent afin de racheter des domaines pour héberger les sites de mes clients.

Un jour à la banque, j’ai vu un homme âgé qui avait perdu l’usage d’une partie de son corps et qui se faisait aider par un jeune. Je l’ai observé pendant un moment et les difficultés qu’il éprouvait pour poser un pied après l’autre m’ont tellement marqué que je me suis approché du jeune. Je lui ai demandé de quoi souffrait le vieux et il m’a dit qu’il était hypertendu. J’ai eu peur.

Quand je suis rentré à la maison dans la soirée et que je me suis mis au travail, l’image du vieux en difficulté, revenait sans cesse dans mon esprit. La question qui me taraudait était : « Est-ce qu’un jour je peux aussi passer par là » ? J’ai donc consacré quelques minutes sur mon ordinateur à chercher des informations sur l’hypertension, tout ce qui l’entoure et comment faire pour l’éviter. Dans mes recherches, j’ai remarqué qu’il y avait un ingrédient qui revenait : l’ail.

Je suis allé sur les sites de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé, ndlr) et d’autres institutions qui œuvrent pour la santé et j’y ai pu lire que lorsqu’une personne consomme au moins une gousse d’ail chaque jour, elle pourra être épargnée de l’hypertension, du cancer ainsi que d’autres maladies.

Je me suis dit alors qu’il aurait suffi que ce vieux consomme régulièrement de l’ail et il n’aurait pas été dans cette situation. Je me suis demandé s’il le savait lui-même. Parce qu’il se peut que beaucoup de gens n’en aient pas connaissance.

Les jours suivants, j’ai réalisé un petit sondage pour demander aux gens s’ils étaient au courant des vertus de l’ail et s’ils savaient que l’ail pouvait les protéger de l’hypertension, par exemple. Force a été de constater que beaucoup de personnes, même les personnes malades, le savaient parfaitement et connaissaient toutes ses applications.

Pourquoi ne le consommaient-ils pas alors ? J’ai posé la question et pour la grande majorité des réponses que j’ai reçues, soit l’odeur de l’ail était trop forte et indisposait facilement, soit ils n’avaient pas du temps pour l’écraser chaque matin pour l’utiliser. Que faire pour amener les gens à consommer cet ingrédient ? Comment parvenir à le mettre dans le quotidien du Togolais ? 

Je rappelle que j’étais en deuxième année universitaire. A la fin de l’année, j’ai décroché un stage en télécommunications dans une structure de téléphonie mobile au Burkina.

Au Burkina, bien que j’allais au stage, la question était toujours là et je cherchais un moyen d’y répondre. Et un fait s’est présenté à moi : à midi, lorsque j’allais à la pause, je remarquais que tout le monde se dirigeait vers des sortes de kiosques où on vendait du thé. Ils raffolent extrêmement de thé et de café, quelle que soit la période de la journée. J’ai fini par m’habituer à force aussi et un jour je me suis dit que, vu la façon dont tout le monde prenait du thé, si on arrivait à mettre un peu d’ail dans chaque tasse, cela veut dire que chaque consommateur pouvait profiter des vertus de l’ail en même temps. Donc j’ai décidé d’explorer cette piste, quand bien même j’étais conscient que prendre quotidiennement du thé ne fait pas partie des habitudes du Togolais. Je me suis dit que ça va venir si on s’y essaie. Voilà donc comment est née et a germé l’idée de Africa Thé…

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T.F : Comment la transition « de l’idée à la réalisation » s’est-elle faite?

A.A : Dès que l’idée a germé, j’ai réfléchi à trouver une unité de transformation vu que je ne savais pas comment on faisait du thé.

J’ai cherché et trouvé une structure de transformation du thé Safari au Burkina et dont le promoteur a bien voulu me montrer leurs installations. Il était évidemment très surpris que quelqu’un en stage en télécommunications, s’intéresse d’un coup à la production de thé. Il m’a mis dans de bonnes conditions. Les soirées après le stage, j’étais là-bas et j’ai pu suivre pendant deux (2) mois comment ça se fait.

Quand je suis revenu à Lomé, j’avais cette chaleur en moi, parce que je savais comment faire maintenant pour sauver aussi les gens à travers cela. Du coup, j’ai fait des tests chez moi à la maison, avec de l’ail, parce que là-bas, j’ai suivi tout cela, mais je n’ai pas utilisé de l’ail pour le faire donc je ne pouvais pas être sûr totalement.

J’ai donc produit de petits sachets avec de l’ail selon les techniques apprises et je les ai distribués à des amis et des connaissances en leur disant de l’essayer. Je ne leur disais pas que c’était mes propres créations, plutôt qu’on me les avait offerts aussi. Les retours ont été très excellents et encourageants et c’est lorsqu’on a commencé à me presser de questions pour que je leur ai indiqué le fabricant pour passer éventuellement commande, que j’ai fini par leur avouer que tout avait été fait dans ma chambre à mon retour.      

J’ai appris que le Faiej aidait les jeunes à se mettre en place. Je leur ai expliqué l’idée, je me suis inscrit et je suis allé suivre une formation en entreprenariat qui m’a permis de mieux maîtriser les contours de l’activité entrepreneuriale. Après la formation, il fallait laisser un plan d’affaires, ce que j’ai fait. Mais avec la chaleur qui m’animait, je ne pouvais pas attendre le temps que le Faiej étudie nos dossiers. Parce que j’ai compris, lors de la formation, qu’un projet aujourd’hui n’est plus le même dans 6 mois. Donc, il me fallait le commencer à temps.

Avec l’argent que me rapportaient mes petites conceptions de sites, j’ai pu louer une pièce pour y installer ma petite entreprise. J’ai recruté une secrétaire et deux agents de productions. J’ai séparé la pièce pour aménager un petit bureau puis j’ai commencé à produire.

C’est de là que Togo Vie est parti. J’ai produit pendant près d’un an avec mes propres fonds. Les gens appréciaient et c’est ce qui m’a encouragé. Les retours dépassaient les attentes et y avait cette motivation qui m’a permis de continuer.

Avec le temps, j’ai été surpris de recevoir des messages du Cap-Vert, de la Côte d’Ivoire, de gens qui ont dégusté mon thé et qui en demandaient en plus importante quantité. J’ai compris que c’était devenu grand le jour où j’ai reçu une commande de près de 2000 boîtes. Dans la foulée, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Togo m’a appelé et m’a envoyé au Sénégal pour aller représenter le pays à l’occasion des journées économiques et commerciales entre les deux pays. J’y ai décroché d’autres marchés qui ont révélé la nécessité de produire maintenant en grandes quantités.

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T.F : Vous n’avez donc pas bénéficié d’un accompagnement institutionnel ?

A.A : Si, bien sûr. Il fallait donc plus de moyens après avoir décroché les contrats. Je devais maintenant acquérir des équipements adaptés pour renforcer l’activité et produire plus. C’est là que je suis retourné vers le Faiej, vu que mon dossier y était toujours. J’ai également rencontré la Ministre du Développement à la base, Victoire Tomégah-Dogbé qui m’a recommandé à la directrice du Faiej. Tout s’est accéléré et j’ai pu bénéficier d’un financement de 2 497 500 Fcfa. Donc j’ai pu satisfaire la demande.

Nous disposons aujourd’hui d’un laboratoire dans lequel la partie la plus importante du travail se fait. Nous travaillons en partenariat avec un groupement de femmes de Badou (à l’intérieur du pays), qui nous envoie le gingembre et l’ail. Ici, les ingrédients sont soigneusement lavés, désinfectés broyés et séchés avec des machines, avant de passer au papier filtre. C’est tout un travail de longue haleine que nous faisons et qui nous est rendu un peu plus facile par les équipements dont nous disposons.

Aujourd’hui, je suis en train de multiplier les activités au sein de Togo Vie. Nous développons 3 marques : la marque Africa Thé qui comprend elle-même 3 variétés de thé, Ail-gingembre-citron, Adako et Artémisiane. 

Il faut préciser que ce n’est plus seulement de l’ail que nous utilisons, mais aussi du gingembre, qui a un grand pouvoir dans l’épuration du corps, et le citron qui n’est plus à présenter.

La boîte d’Africa Thé contient 25 sachets de thé prêts à consommer en infusion, sous forme de thé, avec du lait et du pain ou tout ce que vous voulez.

Elle se vend à 2000 Fcfa sur le marché. A sa sortie de chez nous, il coûte 1500 Fcfa. Nous travaillons avec les supermarchés, les pharmacies et toutes les structures chez qui nous l’écoulons, afin d’harmoniser le prix. Il ne faudrait pas qu’il soit plus cher dans certains endroits que dans d’autres.

La deuxième marque tire vers l’informatique, qui est ma formation de base. Je ne l’ai pas abandonné. Je suis en train de développer une application que je vais bientôt lancer.

Le troisième volet de notre entreprise consiste en une approche de solution que nous sommes en train de trouver pour les problèmes de peau des jeunes filles et des jeunes garçons. C’est un savon produit au Togo mais que nous appelons Brésilien, en référence à la très belle peau brésilienne.

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T.F : Comment se comporte la demande d’Africa Thé sur le marché togolais?

A.A : Nous ne sommes pas encore assez connus sur le plan national. La preuve, si nous sortons maintenant et que nous demandons à 3 ou 4 personnes, ce qu’est qu’Africa Thé, il sera difficile d’avoir des réponses affirmatives.

Comme je l’ai dit, il n’est pas dans les habitudes du Togolais de consommer régulièrement du thé comme cela se fait dans d’autres pays, mais je gage que cela viendra. Les retours sont encourageants. La production qui se fait dans nos laboratoires s’écoule toujours. Je n’ai jamais vu une production faire une semaine après sa mise en boîte depuis que j’ai lancé cette structure, donc cela nous rend optimiste quant à la suite. Nous exposons sur presque toutes les foires sur le plan national, les plus réputées surtout. Et c’est pareil à l’extérieur du pays. Nos produits ont été exposés au Burkina, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Bénin, au Ghana et en France à plusieurs reprises par le biais du Faiej.

T.F : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans vos activités ?

A.A : Les difficultés d’avant ne sont plus celles de maintenant. Au début, la première difficulté était l’entourage qui ne comprenait pas ce que je faisais.  Cela ressemblait plus à une folie, surtout que j’ai une formation en informatique et que rien ne m’empêchait de chercher un métier dans ce sens. Actuellement, les difficultés sont financières. On a envie d’aller plus loin, mais il faut des moyens pour vulgariser le produit et il en faut encore plus pour le produire. Nous n’avons pas de difficultés techniques en tant que telle, vu que les machines dont nous disposons actuellement sont adaptées pour le moment à notre production. Bien-sûr que sur le long terme, il faudra penser à tout agrandir.

T.F : Parlant justement de long terme, quelles sont vos projections pour les années à venir ?

A.A : Parvenir à mettre notre thé dans toutes les boutiques, les pharmacies, tous les supermarchés et tous les endroits où on pourra en vendre. C’est à ce moment que nous estimerons avoir conquis le marché togolais. Ensuite, mettre Africa Thé partout en Afrique, dans tous les coins, même dans les villages les plus reculés pour essayer de sauver le maximum de gens. Avoir si possible des unités de productions dans tous les pays où ce sera possible. Nous en avons une seconde au Burkina Faso et on voudrait l’étendre aux autres pays.  

Je vais faire le lancement officiel de Africa Thé bientôt et j’espère qu’à travers cela, les gens s’intéresseront encore plus à ce produit qui peut facilement les prémunir contre cette maladie et toutes celles qui l’accompagnent.

Ce qui fait que ce thé que je produis à base de l’ail et du gingembre est apprécié est que les gens ont connaissance des vertus de ces ingrédients. C’est comment l’utiliser ou le prendre pour se prémunir qui est la principale difficulté. Maintenant que quelqu’un se propose de leur offrir une façon de le prendre et qui plus est, agréable, c’est plus facile.

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T.F : Si vous avez un pouvoir décisionnel, quelles seraient vos priorités ?

A.A : J’aimerais bien que l’entrepreneuriat soit inclus d’une façon ou d’une autre dans les écoles. Si les enfants sont au courant de la chose entrepreneuriale, les idées muriront plus facilement et ils auront tout le temps de les peaufiner et de les adapter aux besoins de la société en grandissant.

Je ferai également en sorte que l’on encourage la promotion du Made in Togo un peu partout sur le territoire, dans les écoles surtout et les marchés. Il faut que les gens consomment ce que nos entrepreneurs fabriquent ici. Cela les boostera et les poussera à être plus compétitifs et à rechercher l’excellence.

Je prends l’exemple des jus de fruits que les jeunes produisent. S’il y avait une politique qui leur permettait d’écouler ces produits dans les cours de récréation, dans les centres d’apprentissage ou encore dans tous les lieux d’affluence, cela donnerait un bon coup de fouet à l’entrepreneuriat togolais.

Nous utilisons beaucoup de produits aujourd’hui sans savoir si on se soigne ou si on se tue. Autant miser sur les produits que nous avons sous nos yeux et à portée de nos mains.

Togo Vie est parti sur un objectif simple au départ : résoudre ce problème de santé qu’est l’hypertension principalement, que les populations togolaises rencontrent. Problème auquel on n’a jamais apporté de solution à la base. Tout est parti de ce constat et aujourd’hui nous essayons d’apporter notre plus pour combattre toutes ces petites maladies de façon thérapeutique.

source:togofirst

Biscone ADZOYI
Biscone ADZOYIhttp://elitedafrique.com
Biscone Adzoyi est journaliste rédacteur à Elite d'Afrique depuis 2017. Il s’intéresse particulièrement aux questions environnementales et de développement durable
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