Les recherches en sciences humaines et sociales ont montré que dans certaines situations, les personnes ont d’une part tendance à minimiser l’occurrence d’évènements négatifs à elles-mêmes comparées aux autres et d’autres part, à surévaluer l’occurrence d’évènements positifs à elles-mêmes plus qu’aux autres.
Ce phénomène encore appelé optimisme comparatif consisterait en un déni du risque dans des situations potentiellement nuisibles comme les accidents de la circulation, les maladies infectieuses etc. En d’autres termes, les personnes opérant un déni du risque face à la pandémie diraient « les autres sont plus susceptibles d’attraper la Covid que moi » ou encore « si je venais à attraper la Covid, je guérirais plus rapidement que les autres ».
Des équipes de recherche de l’Université Joseph Ki-Zerbo (dirigée par Dr. Abdoulaye Ouedraogo), de l’Université de Lomé (dirigée par le Professeur Paboussoum Pari) et de l’Université de Lausanne (dirigée par le Professeur Jérôme Rossier), réunies dans le cadre du projet Covid-Afrique financé par l’Agence Universitaire de la Francophonie et coordonné par M. Kokou Atitsogbe (Université de Lausanne), ont étudié comment la pandémie de la Covid-19 affecte les travailleurs en Afrique de l’Ouest.
L’étude a été menée auprès de 715 travailleurs adultes (315 au Burkina Faso et 399 au Togo) et a porté d’une part sur l’influence des variables sociodémographiques sur l’optimisme comparatif et la prise de risque au temps des premières restrictions (confinement) généralisées. Les résultats ont montré que parmi 10 variables sociodémographiques (l’âge, le sexe, le milieu de résidence, le niveau d’éducation atteint, le secteur d’activité, la situation maritale, le nombre d’enfants, le revenu mensuel, la situation d’emploi et le type de contrat), seuls le niveau d’éducation et le secteur d’activité influencent significativement l’optimisme comparatif tandis que le lieu de résidence détermine la prise de risques.
Plus précisément, plus les personnes sont instruites, plus elles manifestent un déni du risque lié à la Covid-19 tandis que les personnes peu ou pas instruites ont moins tendance à opérer un déni de risque.
Par ailleurs, le déni du risque a tendance à augmenter chez les travailleurs du secteur privé tandis qu’elle diminue chez les travailleurs des secteurs parapublic et public. Concernant la prise de risques, elle a tendance à augmenter chez les travailleurs des zones urbaines tandis qu’elle diminue chez ceux des zones périphériques et rurales.
Contrairement à ce à quoi l’on pouvait s’attendre, les personnes les plus instruites sont celles qui opèrent le plus un déni du risque de contracter le virus et surévaluent leur capacité à s’en remettre. Il serait utile que ce résultat puisse être largement relayé et que la sensibilisation des populations sur des pandémies comme la Covid-19 soit plus largement orientée vers les personnes instruites qu’on pourrait naïvement considérer comme les plus mesurées face à la pandémie. Cela éviterait d’avoir un effet domino négatif car en Afrique subsaharienne, la majorité des personnes analphabètes ou ayant un niveau d’éducation faible s’en remettent le plus souvent aux personnes les plus instruites pour savoir quelle attitude adopter.