Sylvanus Olympio : « l’homme à abattre »

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Le 13 janvier 1963, coup de tonnerre à Lomé. L’irréparable est commis ! Pour la première fois en Afrique, un président élu vient d’être abattu. 13 janvier 1963-13 janvier 2018, 55 ans jours pour jour que l’opinion nationale voire internationale reste confuse quant aux vrais commanditaires et auteurs de cet acte ignoble qui plongea le peuple togolais dans un avenir sans repère. Parcourons ensemble les  trois (3) thèses qui essayent d’apporter la lumière sur ce « coup de force » sur un rythme d’histoire.

 

Tout commença dans les années 1940, bien avant l’indépendance du pays où Olympio fut désigné comme « l’homme à abattre » par la France impératrice. A la différence de ses congénères élites africaines de l’époque à l’instar d’Houphouët Boigny, Sédar Senghor et Sékou Touré, Sylvanus Olympio n’a pas été moulé dans le système éducatif du pays colonisant sa terre natale. Il reçut une formation à l’anglaise. Employé à UNILEVER, Olympio démissionna pour se consacrer à la lutte pour l’indépendance de son pays. Sa formation et son expérience professionnelle ont fait de lui un leader atypique et insaisissable à la métropole. Ce qui signa sans nul doute son arrêt de mort.

 

Au matin du 13 janvier 1963, lorsque le corps de Sylvanus Olympio gisait sur le sol dans la rue Octavio Olympio criblé de balles, l’Afrique entière fut plongée dans un flou qui ne fut élucidé par aucune enquête impartiale. Néanmoins trois thèses tentent d’expliquer ce meurtre.

Pour la première, le coup d’Etat est l’expression d’une rivalité ethnique ancestrale entre le Nord et Sud du pays. La deuxième thèse est celle du complot extérieur où la France est indexée. C’est la thèse de la « Françafrique » avancée par François-Xavier Verschave. Pour Verschave, en voulant sortir le Togo de la zone FRANC et être indépendant vis-à-vis de la puissance tutélaire, Olympio s’est mis à dos le secrétaire général des affaires africaines et malgaches Jacques Foccart. C’est le commandant français de la gendarmerie togolaise, Georges Maitrier qui aurait été l’instigateur du complot et Olympio aurait été abattu contre 300 000 F CFA. La dernière thèse défendue par Joél Glassman donne une explication du push en se basant sur le contexte d’alors. Pour Glassman, la France aurait profité d’une situation sociale et politique qu’elle a concouru à mettre en place pour se débarrasser d’un président gênant.

 

Ce coup de force entérina de nouveaux rapports de force, ainsi que de nouvelles façons de les dire en ce qu’il rigidifia en lignes de rupture le rapport civils-militaires et les liens Nord-Sud. La recherche de l’auteur du forfait et les suspicions qui en ont suivi, ont longtemps empêché les Togolais de s’apercevoir que l’objectif, qui consiste à diviser les fils et filles du pays pour perpétuer la colonisation, est atteint.

 

Aussi, l’omerta mémorielle dans laquelle sont plongés, durant des décennies, le nom et les œuvres de Sylvanus Olympio n’est que la caractéristique existentielle d’une dictature dans l’enfance. Pour nombre d’observateurs, cette omerta n’a toujours pas pris fin malgré le changement de nom du CHU Tokoin en CHU Sylvanus Olympio. Ce baptême du premier hôpital du pays en l’honneur de son premier président n’est que la publication des bans d’un mariage raté entre le peuple togolais et sa mémoire, vu l’état dans lequel se trouve ce centre de soins.

 

Le flou qui entoure les circonstances de la mort du premier premier citoyen togolais, vient nourrir les suspicions de gouvernance ethnico-clanique du pays qui ont longtemps divisé celui-ci et l’ont empêché de répondre présent à ses différents grands rendez-vous historiques. La déclassification des archives de Paris, l’œuvre « Jacques Foccart vous parle » du fameux Monsieur Afrique, la thèse de Joël Glassmann sur les corps habillés au Togo, pour ne citer que ceux-là, n’ont que racler la surface d’un problème historique dont les méandres sont confus, noirs et profonds que le royaume de Poséidon. D’ailleurs c’est le lieu d’appeler les Historiens, dignes de ce nom, à redoubler d’ardeur pour éclairer la lanterne du citoyen lambda pour une réconciliation véritable et effective des fils et filles du Togo. Car tel, « un homme privé de son enfance est malheureux », un peuple coupé de sa mémoire est irréconciliable avec lui-même.

 

Marc ABOFLAN
Marc ABOFLANhttp://marcaboflan.com
Journaliste spécialisé dans les questions économiques. Passionné par les TIC. Directeur de la Rédaction
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